Paris, France
April 28, 2010
Les chenilles de la pyrale, l’un des principaux ravageurs du maïs, présentent un comportement particulier : à la fin de leur croissance, au temps des récoltes, elles descendent vers le sol, ce qui leur permet d’échapper à la mort. Cette étonnante faculté d’adaptation vient d’être mise en lumière par des travaux de chercheurs de l’INRA et de l’Université du Texas publiés dans les Proceedings of the Royal Society B.
La pyrale du maïs, Ostrinia nubilalis, est un papillon dont les chenilles se nourrissent en forant les tiges et épis de maïs, engendrant d’importants dégâts et baisses de productivité dans la plupart des pays tempérés. A l’automne, les chenilles cessent de se nourrir et entrent en diapause (phase de vie ralentie) passant l’hiver abritées dans les cannes de maïs avant de se métamorphoser en adultes le printemps suivant.
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La pyrale du maïs est apparue en Europe occidentale, il y a environ 500 ans, lors de l’importation du maïs, avant d’être accidentellement introduite en Amérique du nord au début du 20ème siècle. Il est vraisemblable que cette espèce de ravageur soit issue d’Ostrinia scapulalis, son espèce jumelle. Les deux espèces sont dites jumelles car elles sont identiques morphologiquement et si proches génétiquement que seules des études moléculaires ont permis de les distinguer, il y a quelques années. Une importante différence est cependant qu’O. Scapulalis n’attaque pas le maïs, mais principalement l’armoise, une plante non cultivée. La pyrale du mais serait donc une espèce apparue par « changement d’hôte », l’introduction du maïs ayant engendré sa propre espèce de ravageur.
Le maïs constitue pour la pyrale un nouvel environnement avec son cortège de prédateurs et de parasites. Parmi ces prédateurs, le plus redoutable est à n’en pas douter l’espèce humaine. Brûlées ou utilisées comme fourrage ou litière lorsque la récolte était manuelle, complètement broyées depuis la généralisation des moissonneuses batteuses, la partie supérieure des cannes de maïs constitue un refuge mortel pour les chenilles lorsqu’elles rentrent en diapause. En effet, les chenilles de pyrale situées au-dessus de la ligne de fauchage au moment de la moisson font face à une mort quasi-certaine.
A la fin de leur croissance, au temps des récoltes, les chenilles choisissent leur emplacement pour la période de diapause. L’étude qui vient d’être publiée révèle que les chenilles de la pyrale du maïs descendent alors vers le sol et s’installent plus bas dans les tiges que celles de son espèce jumelle, à la fois dans le maïs et dans l’armoise. Ce comportement, qui précède de quelques semaines la période de fauchage, est indépendant des conditions environnementales et n’est pas causé par la recherche de nourriture. L’étude montre qu’il est déterminé génétiquement et implique une certaine perception par les insectes de la gravité terrestre et de leur localisation.
Les chenilles de pyrale se retrouvent par conséquent en plus grand nombre en dessous de la ligne de fauchage, ce qui augmente leur taux de survie d’environ 50% relativement à leur espèce jumelle.
Descendre vers le sol assure ainsi une excellente adaptation de la pyrale au maïs. Ce comportement résulte probablement d’une sélection opérée par l’homme au fil des récoltes. La modification de la position des larves en diapause serait donc une réponse adaptative à la récolte par l’homme. Si les études à venir confirment cette interprétation, ceci constituerait un exemple singulier de résistance comportementale aux pratiques agricoles, la plupart des cas connus jusqu’ici impliquant une résistance aux insecticides. Si le maïs a engendré son propre ravageur, l’homme l’a sans doute façonné de telle sorte qu’aujourd’hui, la pyrale regarde la grande Faucheuse beaucoup plus sereinement que son espèce jumelle.
Références :
Divergence in behaviour between the European corn borer, Ostrinia nubilalis, and its sibling species O. scapulalis: adaptation to human harvesting? Proc. Roy. Soc. B., 21 avril 2010.
Vincent Calcagno¹²³, Vincent Bonhomme¹, Yan Thomas¹, Michael C Singer4 et Denis Bourguet1.
1Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP), UMR INRA-IRD-CIRAD-Montpellier SupAgro, Campus International de Baillarguet, Montferrier-sur-Lez, France.
2Institut des Sciences de l'Evolution (ISEM), UMR CNRS-UM2, Université de Montpellier II, Place Eugène Bataillon, Montpellier,France.
3McGill University, Biology Dept, 1205 av. Docteur-Penfield, Montreal, QC, H3A 1B1, Canada
4Integrative Biology, Patterson Laboratories, University of Texas at Austin, USA.