France
December 5, 2014

Par quels mécanismes certaines espèces perdent-elles la capacité à se reproduire de manière sexuée, le mode de reproduction utilisé par la plupart des organismes multicellulaires ? Des chercheurs de l’Inra ont identifié sur le chromosome X du puceron du pois, une région responsable de la perte du sexe chez cet insecte ravageur des cultures. Ces résultats publiés le 4 décembre dans la revue PLOS Genetics offrent une explication à la coexistence des lignées sexuées et asexuées dans les populations naturelles de ce puceron, ainsi qu’à la persistance sur le long terme de ces lignées asexuées.
Même si la reproduction sexuée est le mode de reproduction dominant chez les eucaryotes, la perte du sexe n’est pas un événement rare puisque des lignées asexuées sont observées dans la plupart des grands groupes d’êtres vivants. Ces organismes asexués montrent un potentiel évolutif plus réduit que ceux utilisant le sexe pour se reproduire, à ce point qu’ils ont été qualifiés de « cul-de-sac évolutif ». Cependant, ces lignées asexuées présentent des capacités de multiplication et de colonisation de nouveaux milieux qui sont souvent bien supérieures à celles des lignées sexuées, et nombre de parasites des animaux ou des végétaux sont asexués. Comprendre les mécanismes par lesquels les lignées asexuées sont formées à partir d’un ancêtre sexué représente donc un enjeu majeur pour la recherche fondamentale et finalisée.
La perte du sexe chez le puceron du pois est contrôlée par une seule région génomique
Des chercheurs de l’Inra de Rennes ont entrepris de décrypter les bases génomiques de la perte du sexe chez le puceron du pois, un ravageur des cultures de légumineuses dont les populations comportent à la fois des lignées sexuées et asexuées. En combinant des comparaisons du génome de lignées sexuées et asexuées et des approches de cartographie génétique, les chercheurs ont montré qu’une petite région du génome, située sur le chromosome X est responsable de la perte du sexe chez les lignées asexuées du puceron du pois. Ils ont également établi que l’asexualité est un caractère récessif. Des études additionnelles sont en cours pour mieux délimiter la région génomique d’intérêt et pour caractériser les gènes candidats contenus dans cette zone, en vue d’analyser leur fonction.
L’asexualité, un caractère sexuellement transmissible
L’analyse génétique des populations naturelles de ce puceron à l’échelle de la France, à l’aide de nombreux marqueurs moléculaires répartis le long du génome, a révélé un important niveau d’échange de gènes entre lignées sexuées et asexuées, à l’exception de la région génomique d’intérêt. Ces résultats indiquent l’existence chez les pucerons d’un système génétique original qui semble favoriser l’émergence continue de nouvelles lignées asexuées et assurer ainsi une plus longue persistance de la reproduction asexuée au niveau de l’espèce.
L’ensemble de ces données génétiques et populationnelles permet d’offrir une explication à la coexistence des lignées sexuées et asexuées chez cette espèce de puceron, une question fortement débattue dans la communauté des biologistes de l’évolution depuis de nombreuses années.