Paris, France
February 23, 2010
Un consortium international*, coordonné par une équipe de recherche de l’Inra de Rennes** et impliquant plusieurs équipes de l’Inra***, a séquencé et analysé le génome complet du puceron du pois. C’est ainsi le premier génome d’insecte de la famille des hémiptères (« insectes piqueurs suceurs ») à être dévoilé. Les résultats sont publiés dans le numéro de la revue PLoS Biology daté du 23 février 2010. Avec leur système de reproduction clonale extrêmement rapide, leur alimentation à base de sève et leur capacité à transmettre des virus aux plantes, les pucerons sont des ravageurs des cultures particulièrement redoutables. Cette avancée dans la compréhension des mécanismes physiologiques et cellulaires en jeu est une étape essentielle pour mieux comprendre la biologie originale mais complexe de cet insecte. Une première avancée qui ouvre des perspectives à long terme pour lutter contre les pucerons.
Mieux connaître la biologie du puceron pour mieux le combattre
Les pucerons, en se nourrissant de la sève des plantes, les affaiblissent considérablement entrainant ainsi des pertes de rendements conséquentes pouvant aller de 20 à 30% selon les productions (céréales, pommes de terre ou cultures maraîchères). Ils sont également responsables de la propagation de nombreux virus qui vont provoquer des maladies chez les plantes qui entraineront également des pertes de rendements. D’autre part, le puceron a établi avec une bactérie symbiotique, Buchnera aphidicola, une relation étroite qui dure depuis environ 200 millions d’années et qui lui est maintenant indispensable. Une autre particularité du puceron est sa capacité à développer des adaptations très particulières avec son environnement, en alternant reproduction sexuelle et clonale. Mieux connaître les mécanismes responsables de ces différents traits de vie permettrait à terme de découvrir de nouvelles méthodes de lutte contre ces insectes.
Une avancée vers la connaissance de la biologie des pucerons
Le séquençage du génome du puceron du pois a été effectué et piloté par le Baylor College of Medicine à Houston aux Etats-Unis. Ce génome contient environ 34 000 gènes, soit deux fois plus que celui d’autres espèces d’insectes dont les génomes sont actuellement disponibles (la mouche du vinaigre, l’abeille, le ver à soie…). Cette particularité peut notamment expliquer la capacité du puceron à développer des adaptations très particulières à son environnement. Par exemple, les pucerons résistent aux froids hivernaux en basculant d’un mode de reproduction vivipare parthénogénétique au printemps et en été vers un mode de reproduction ovipare sexué en automne ; les œufs pondus avant l’hiver sont, contrairement aux larves vivipares, des formes de résistance au froid.
L’absence de certains gènes décrits classiquement comme intervenant habituellement dans la réponse immunitaire contre les bactéries ou les champignons est également un résultat original de l’analyse du génome du puceron du pois. Elle pourrait expliquer que les pucerons puissent abriter dans leur abdomen des bactéries symbiotiques indispensables à leur survie, appartenant au genre Buchnera, alors que les bactéries sont généralement reconnues et éliminées par le système immunitaire chez les insectes comme chez les mammifères.
L’accès au catalogue de gènes du puceron ouvre également des pistes pour comparer la structure de ce génome à celui d’autres insectes : le génome du puceron du pois est ainsi le premier génome d’un insecte de l’ordre des Hémiptères à être dévoilé, et le premier génome d’un insecte qui se nourrit à partir de la sève des plantes.
Enfin, l’obtention de la séquence d’un génome est l’équivalent de la description anatomique d’un organisme. Si décrire les différents éléments constituant le génome du puceron du pois représente une avancée essentielle et indispensable, un autre défi est à l’avenir de comprendre comment ces différents éléments fonctionnent en interaction pour produire l’ensemble des caractéristiques originales des pucerons. C’est ce à quoi les membres du consortium travaillent actuellement.
Référence de la publication
International Aphid Genomics Consortium, Genome Sequence of the Pea Aphid Acyrthosiphon pisum, PLoS Biology 8(2):e1000313.
Une vingtaine d’articles complémentaires sont également publiés, avec notamment un numéro spécial de la revue Insect Molecular Biology (vol 19, sous presse).
* Le consortium international de la génomique des pucerons implique une vingtaine d’unités de recherche, issues d’une dizaine d’organismes en France et dans 8 pays. Il a bénéficié du soutien financier du National Human Genome Research Institute aux Etats-Unis, et de l’Inra pour la bioinformatique.
** UMR Inra/Agrocampus Ouest/Université Rennes 1 Biologie des organismes et des populations appliquée à la protection des plantes, Inra Rennes
*** UMR203 Biologie Fonctionnelle Insectes et Interactions (BF2I), INRA, INSA de Lyon, Université de Lyon
UMR Inra/Cirad/Montpellier SupAgro Biologie et génétique des interactions plantes/agents pathogènes (BGPI), Inra Montpellier
UMR Inra/CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis Interactions Biotiques et Santé Végétale, Inra Paca
UMR Inra/Université Louis Pasteur de Strasbourg Santé de la Vigne et Qualité du Vin, Inra Colmar.