Montpellier, France
November 10, 2014
Floraison d'un plant de riz mâle © D. Filloux, Cirad (Les florendovirus endogènes se retrouvent dans de nombreuses plantes à fleurs parmi lesquelles le riz, étudié dans les laboratoires du Cirad.)
Une équipe internationale de chercheurs a découvert un nouveau genre viral dont des parties du génome existent à l’état de fossiles dans l’ADN des plantes à fleurs. Baptisé "florendovirus" du nom de la déesse romaine des fleurs, ce genre de virus existerait depuis plus de 20 millions d’années et aurait été encore actif il y a 6000 ans. Véritables fossiles viraux, les florendovirus éclairent aujourd’hui les chercheurs sur l’évolution des virus… Ce résultat vient d’être publié dans la revue scientifique internationale Nature communications.
Elles répondent au doux nom d’EVE et existent depuis la nuit de temps : ce sont des séquences virales endogènes (endogenous viral element, EVE ), c'est-à-dire des morceaux de génomes de virus intégrés dans les chromosomes des êtres vivants. Lorsque ces EVE s’intègrent dans les cellules germinales (cellules souches), elles deviennent partie intégrante du patrimoine génétique et sont transmises à la descendance. Voilà comment des séquences de florendovirus, un genre viral récemment découvert par une équipe composée de chercheurs australiens, américains, italiens et français, se transmettent chez les plantes à fleurs depuis plus de 20 millions d’années. Ces séquences seraient inoffensives pour leurs hôtes végétaux… Alors pourquoi les chercheurs s’y intéressent-ils ?
« Nous avons d’abord été interpellés par le fait d'avoir trouvé ces séquences dans les chromosomes de la majorité des espèces de plantes à fleurs. Il s’agit d’une véritable invasion moléculaire » , souligne Pierre-Yves Teycheney, l’un des chercheurs découvreurs, basé au Cirad en Guadeloupe. « Nous nous demandons aujourd’hui si les plantes qui les hébergent en tirent un bénéfice. Nous avons plusieurs hypothèses : ces séquences pourraient se comporter comme des transgènes naturels et jouer un rôle dans la défense contre les virus, ou permettre aux plantes d’acquérir de nouvelles fonctions apportées par les gènes viraux intégrés ».
« Même si aujourd’hui on ne connaît pas de formes infectieuses de florendovirus, celles-ci ont existé pendant des millions d’années et ont infecté un très grand nombre d’espèces de plantes à fleurs », poursuit Pierre-Yves Teycheney. L’analyse des fossiles moléculaires qu’elles ont laissé dans les chromosomes des plantes montre que certaines de ces formes infectieuses avaient un génome constitué de deux molécules d’ADN, alors que les Caulimoviridae* actuels possèdent un génome à une molécule d’ADN. Pourquoi ces formes à deux molécules d’ADN n’ont-elles pas été conservées au cours de l’évolution ? Répondre à ce type de question permettra de mieux comprendre comment évoluent les virus en vue de déjouer leurs attaques. Modèle idéal pour étudier les forces de l’évolution et les redoutables capacités d’adaptation des virus, les florendovirus n’ont pas fini de faire parler d’eux...
* famille de virus de plantes dont le génome est constitué d’ADN et dont font partie les florendovirus.