France
November 25, 2019
Relevés hivernaux pour caractériser les communautés adventices - © Inra, Gilles Louviot
Scientists from INRA and the Scuola Superiore Sant’Anna (Italy) have shown that not all weed communities (spontaneous vegetation) generate crop yield losses, even in unweeded conditions, and that high weed diversity is associated to a reduced risk of important crop yield losses. Published in Nature Sustainability, these results provide new grounds for sustainable weed management.
Reconciling crop productivity and biodiversity maintenance is one of the main challenges of agriculture worldwide. Weed management is recognized to be a key point point for ecological intensification in agriculture because weeds can generate severe yield losses but also represent the base of agricultural trophic networks. Therefore, research in weed science has often opposed two different schools of thought. The drastic deline of biodiversity in agricultural landscapes has either been considered as a sign of efficient weed management or an erosion of the natural capital on which sustainable crop production is founded (e.g. support for pollination). Scientists from INRA and the Scuola Superiore Sant’Anna (Pisa, Italy) seeked to reconcile these two seemingly opposite visions.
Weed:crop competition has historically been studied in experiments which considered only one weed species at a time. Hence, little is known about the competitive effect of weeds in complex communities (multiple weed species), which is the most frequent scenario in agricultural fields. Nevertheless, major yield losses may simply arise from the dominance of a few competitive species. Moreover, a higher diversity of traits (characteristics) within the weed community could induce complementarity in resource use (light, water, nitrogen…) and alleviate weed:crop competition. Therefore, the authors quantified the effect of naturally occurring weed communities and the diversity of their composition on winter wheat yield, across 54 zones (36 unweeded, 18 weeded) and 3 years.
Not all weed communities generate significant crop
The scientists established that out of the six weed communities identified, only four generated significant yield losses in unweeded zones, ranging from 19 to 56%. The number of ears per plant and the number of grains per ear (yield components) was systematically affected when grain yield losses were detected.
Higher weed diversity mitigates yield losses
Weed diversity was characterized in terms of taxonomy (i.e. evenness of observed species) and function (i.e. diversity of species traits), based on weed biomass data. Evenness is maximal when total weed community biomass is equally divided among species*. Results show that when community evenness was high, weed biomass was low and weed:crop competition was alleviated. In this case, yield losses are reduced because all weed species produce low biomass. Authors also reveal a positive effect of weed functional diversity on winter wheat yield, even though no relationship with weed biomass was observed. This could hint that a higher diversity of traits within the weed community limits competition with the crop and hence, yield losses.
These relationships do not imply that high crop productivity is necessarily associated with high weed diversity but rather that, in the presence of weeds, high evenness limits the probability of dominant and competitive species susceptible of generating important yield losses. Moreover, authors insist that the generality of these results needs to be confirmed in other production situations (i.e. climate, crops, weed species pool, resource availability…).
New implications for weed management
Current weeding practices target competitive and dominant species, but are not harmless towards subordinate species. Authors argue that weeding operations should exclusively target competitive and dominant species. However, current weed control practices do not allow targeting a specific species in a complex community. Therefore, future studies need to identify if weed diversity could rather be indirectly promoted by diversifying weed management tools.
* Evenness is a diversity indicator commonly used in community ecology. A community is said to be « even » when each unit (here species) is equally represented (here in terms of biomass). On the contrary, a community is said to be « uneven » (unbalanced) when one or a few species dominates (here in terms of biomass). In other words : if we observe 5 species which total up to 100g/m², an « even » community will show 20g/m²/species whereas an « uneven » community will show, for example, one species which produces 90g/m² and 4 others which produce 2.5g/m² each. In the latter case, one species dominates, and can be considered as noxious.
Atténuer les pertes de rendements par le maintien d’une diversité d’adventices
Des chercheurs de l’Inra et de la Scuola Superiore Sant’Anna à Pise (Italie) ont démontré que toutes les communautés adventices - la flore spontanée des champs cultivés - ne génèrent pas de perte de rendement, même en situation d’absence de désherbage, et qu’une forte diversité d’adventices est associée à un risque plus faible de perte de rendement. Publiés dans la revue Nature Sustainability, ces résultats ouvrent des perspectives pour une gestion durable des adventices.
Concilier maintien de la production agricole et préservation de la biodiversité est un enjeu agricole mondial. La gestion des adventices (ces plantes qui poussent sans avoir été semées) permet de répondre à ce double enjeu car ce sont à la fois des bioagresseurs des cultures mais elles sont aussi à la base des chaines trophiques de la biodiversité agricole. Ainsi, la recherche en malherbologie (science qui étudie les adventices) a souvent opposé deux écoles de pensée : le déclin de la diversité des adventices dans les parcelles agricoles peut à la fois être vu comme un signe d’une gestion efficace ou bien comme une érosion du capital floristique utile à la biodiversité (par exemple les pollinisateurs). Des chercheurs de l’Inra et de la Scuola Superiore Sant’Anna à Pise (Italie) ont cherché à réconcilier ces deux visions a priori opposées.
La nuisibilité des adventices a majoritairement été étudiée par le passé en se focalisant sur la compétition d’une espèce adventice sur une culture. Cependant, peu d’études ont quantifié l’effet d’une communauté complexe (plusieurs espèces adventices), ce qui est pourtant souvent le cas dans les parcelles agricoles. Les pertes de rendements importantes sont souvent dues à la dominance d’une ou quelques adventices compétitrices. Or, une plus grande diversité de caractéristiques biologiques (traits) au sein d’une communauté adventice peut permettre une complémentarité dans l’usage des ressources (lumière, eau, azote, …) que se partagent les adventices et la culture, et ainsi réduire l’intensité de la compétition. Par conséquent, les auteurs ont quantifié l’effet de communautés adventices présentes dans des parcelles agricoles sur le rendement de céréales d’hiver à travers 54 zones (36 non-désherbées, 18 désherbées au cours de la saison) et collectées durant 3 années d’échantillonnage.
Toutes les communautés adventices ne génèrent pas de perte de rendement
Les scientifiques ont établi que 4 communautés d’adventices parmi les 6 identifiées génèrent des pertes de rendement, en absence de désherbage, variant de 19 à 56%. Le nombre d’épis par pied et de grains par épi (composantes du rendement) ont été systématiquement affectés lorsque des pertes de rendement ont été détectées.
Une plus grande diversité adventice atténue les pertes de rendement
La diversité des adventices a été caractérisée à l’aide de la biomasse et en termes taxonomique (c’est à dire l’équitabilité d’espèces présentes) et fonctionnel (à savoir la diversité des caractéristiques des espèces). L’équitabilité est maximale quand la biomasse des adventices est équitablement répartie entre les espèces*. Les résultats montrent que quand l’équitabilité des adventices est élevée, la biomasse des adventices est faible, et la compétition avec la culture est réduite. Dans ce cas, les pertes de rendement sont minimales car toutes les espèces produisent peu de biomasse. Les auteurs démontrent également un effet positif de la diversité fonctionnelle des adventices sur le rendement du blé, mais aucun effet sur la biomasse des adventices. Ceci indique qu’une plus grande diversité de caractéristiques biologiques génère une intensité de compétition plus faible entre culture et adventices, et donc moins de pertes de rendement.
Ces relations n’insinuent pas que les rendements élevés sont nécessairement associés à une forte diversité des adventices, mais plutôt qu’en présence d’adventices, une forte équitabilité implique qu’aucune espèce adventice compétitrice, susceptible de générer des pertes de rendement, domine. De plus, les chercheurs insistent sur le fait que d’autres études devront confirmer la généralisation de ces résultats dans d’autres situations de production (selon les régions, les cultures, le pool d’espèces adventices, …).
Nouvelles implications pour la gestion des adventices
Les pratiques de désherbage actuelles tentent de limiter les espèces dominantes et compétitrices – les « mauvaises herbes » – mais elles ne sont pas sans conséquence sur l’ensemble de la diversité de la flore. Les scientifiques concluent donc que les actions de désherbage devraient exclusivement viser les espèces compétitrices et dominantes. Cependant, les pratiques de désherbage actuelles ne permettent pas de gérer une espèce particulière dans une communauté complexe. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour identifier si ces communautés adventices diversifiées peuvent résulter de la diversification des moyens de gestion de la flore adventice.
* L’équitabilité est un terme venu de l’écologie (la science). Une communauté équitable indique que chaque membre (ici des espèces adventices) est présent en nombre ou poids (ici biomasse) équivalent, équitable, identique. A l’inverse, une communauté déséquilibrée, contient une ou plusieurs espèces qui dominent, qui ont un nombre, un poids (ici la biomasse) plus important que les autres. Autrement dit : si on observe 5 espèces adventices qui font au total 100g/m² de biomasse, une communauté équitable aura 20g/m²/espèce ; une communauté déséquilibrée aura une espèce, par exemple, à 90gm² et les 4 autres à 2.5g/m² chacune. Dans ce dernier cas une espèce domine, souvent l’espèce compétitrice, celle qu’on qualifie de « mauvaise herbe ».