Paris, France
February 21, 2011
By Catherine Saez, Intellectual Property Watch
Récemment adopté, l’accord international pour faciliter l’accès aux ressources génétiques et le partage équitable des ressources en découlant a été ouvert à la ratification la semaine dernière. Le texte a d’ores et déjà reçu des commentaires mitigés des parties prenantes.
Pour beaucoup, ce texte constitue un bon point de départ, mais il reste de nombreux points susceptibles d’interprétation et de nombreux autres nécessitant une intervention au niveau national. Le sujet a été discuté au cours d’un séminaire, à Paris, le 3 février dernier.
Le protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la Diversité Biologique a été adopté le 29 octobre 2010, après six ans d’intenses négociations.
Plusieurs sujets ont été ardemment discutés, comme le champ d’application du protocole, la conformité à l’instrument et l’échange de virus prévu dans le texte.
Le séminaire international, organisé par l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) – un groupe de réflexion basé à Paris qui travaille sur le thème du développement – en collaboration avec l’Agence Française de Développement, a rassemblé des universitaires et des représentants de la société civile experts du sujet. Ils ont discuté des défis et contributions juridique, politique, et pratique apportés par le protocole au programme de développement durable.
Selon Claudio Chiarolla, chargé d’études sur la gouvernance internationale de la biodiversité à l’IDDRI, le protocole de Nagoya a un champ d’application large et il se superpose souvent à d’autres instruments internationaux comme la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture [FAO], et le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, également sous l’égide de la FAO.
Le protocole touche également des organisations traitant des droits de propriété intellectuelle comme l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) et son exception au droit de l’obtenteur, le Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, au savoir traditionnel et au folklore de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, et l’Organisation Mondiale de la Santé avec ses négociations sur un système multilatéral pour l’échange de virus grippaux.
Le protocole a le potentiel de renforcer l’équité internationale entre pays et entre les pays et les communautés indigènes, a affirmé M. Chiarolla. Toutefois, de nombreux aspects pratiques devront encore être décidés dans le cadre de la CDB, mais également dans d’autres forums et à divers degrés de gouvernance.
Impact du protocole sur les négociations de l’OMS
Selon Sangeeta Shashikant, conseillère juridique pour Third World Network, certains éléments du protocole de Nagoya pourraient avoir un impact sur les négociations en cours de l’OMS sur la préparation à une pandémie grippale.
Elle a rappelé que l’article 8 du protocole n’exige des pays que de « prendre dûment en considération les situations d’urgence actuelles ou imminentes qui menacent ou nuisent à la santé humaine, animale ou végétale », mais qu’il requiert également « des mesures expéditives » pour un « partage juste et équitable des avantages », ce qui indique que, même dans les cas d’urgence, les critères de la CDB sont maintenus et qu’ils n’excluent pas la nécessité d’un consentement préalable et éclairé ou de conditions convenues d’un commun accord.
S’agissant d’autres instruments internationaux, Sangeeta Shashikant a ajouté que l’article 4 requiert également que « les travaux ou pratiques en cours [soient] dûment pris en compte, à condition qu’ils soutiennent et n’aillent pas à l’encontre de objectifs de la Convention et du Protocole ».
Les membres de la CDB sont soumis aux principes de la convention, lesquels sont aussi applicables aux pathogènes. Selon Mme Shashikant, ces principes sont en réalité « les strates de l’édifice juridique essentiels à la correction des inégalités présentes dans le projet d’échange de l’OMS ».
Les Etats-Unis ne sont pas partie de la CDB.
Dans la mesure où les négociations de l’OMS ne sont pas terminées, « personne ne peut dire si le résultat soutiendra les conditions légales posées par la convention et le protocole », a-t-elle dit, en ajoutant que « tous les travaux de l’OMS n’ont pas le même caractère contraignant qu’un traité ».
La prochaine réunion intergouvernementale de l’OMS sur la préparation à la grippe se tiendra du 11 au 15 avril.
Un calendrier ouvert pour la mise en conformité des législations
La conformité au protocole a fait l’objet de longues discussions avant même son adoption. Cependant, la conformité « n’est pas une affaire de tout ou rien » car une conformité partielle n’est pas une non-conformité explique Veit Koester, professeur externe au centre universitaire Roskilde au Danemark. Parfois, des pays n’ont pas la capacité de respecter toutes les conditions posées par un instrument juridique.
En comparant les mécanismes de mise en conformité déjà en vigueur dans d’autres instruments, M. Koester a indiqué que le mécanisme du protocole de Nagoya pourrait être calqué sur celui du protocole de Carthagène sur la biosécurité, mais cela semble peu vraisemblable.
Selon lui, on peut rester « relativement optimiste » sur l’établissement d’un mécanisme de mise en conformité lors de la première réunion de la conférence des parties en octobre 2012 en Inde, qui servira également de réunion des parties au protocole, en même temps que de onzième réunion de la conférence des parties à la CDB. Cependant, l’obstacle de la règle de l’unanimité pour l’adoption du mécanisme devra être franchi, a-t-il ajouté. Les aspects institutionnels entourant l’élaboration d’un mécanisme de mise en conformité, les moyens de déclencher une action pour non-conformité ainsi que son résultat sont des sujets importants qui pourraient écarter un consensus.
Des plaintes pour non-conformité sont extrêmement rares entre parties, a-t-il précisé. Il serait équitable de permettre que l’action soit déclenchée par des plaintes de communautés autochtones et locales, par exemple, mais on peut douter que les parties l’acceptent.
François Meienberg, codirecteur général de l’organisation non gouvernementale La Déclaration de Berne, a indiqué que l’un des problèmes de mise en œuvre du protocole de Nagoya pourrait être le calendrier et la nécessité d’un consentement préalable éclairé et de conditions convenues d’un commun accord pour des espèces acquises avant le protocole, car il y a « un nombre incroyable de ressources génétiques ayant déjà quitté leur pays d’origine ».
Pour M. Meienberg, rien ne laisse supposer, dans l’article 15.1 du protocole, que les ressources génétiques acquises avant l’entrée en vigueur du protocole devraient en être exclues. L’examen hors site des collections, dans le pays des utilisateurs ou dans des pays non liés par le protocole, ou bien la vérification de la disponibilité de la ressource sur les marchés libres représentent des risques majeurs. Un utilisateur qui aurait illégalement accédé à une ressource génétique dans le pays d’origine pourrait prétendre l’avoir légalement trouvée hors site. Une transposition nationale correcte est donc cruciale à la mise en œuvre du protocole et de la CDB, a-t-il ajouté.
Pour Elsa Tsioumani, juriste et consultante sur le droit de l’environnement international à Thessalonique, en Grèce, les dispositions sur la tradition forment une partie importante du protocole de Nagoya, qui établit de nouvelles obligations pour les parties et exige une protection des connaissances traditionnelles in situ.